Illustration vallée montagneuse dépourvue de neige ©Morgane Lebret

Face au défi
du changement
climatique

La crise climatique à l’oeuvre met l’établissement face à un double enjeu. D’une part, Météo-France continue à développer les connaissances pour établir des diagnostics et des projections toujours plus solides, et d’autre part, il élabore des services pour aider les acteurs institutionnels et économiques à prendre les bonnes décisions pour s’adapter aux effets du changement climatique.

Climat : publication de nouvelles projections climatiques régionales

Météo-France a produit de nouvelles projections climatiques de référence en France baptisées Drias-2020. Son approche régionalisée est originale. En effet, si la résolution des modèles climatiques globaux, de l’ordre de 150 à 200 km, est pertinente à l’échelle planétaire, elle reste insuffisante pour représenter finement les phénomènes météorologiques d’intérêt pour les acteurs socio-économiques. Les climatologues produisent donc des simulations complémentaires s’appuyant sur des modèles de climat de plus fine échelle, de l’ordre de la dizaine de kilomètres. Ces simulations sont ensuite corrigées à partir des observations de référence sur le climat de la France. Pour mieux éclairer l’avenir, Météo-France utilise un éventail de modèles régionaux diversifiés.

Ce nouveau jeu de projections à l’échelle des régions métropolitaines a été élaboré et mis à disposition par Météo-France avec l’appui du Cerfacs (Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique) et de l’IPSL (Institut Pierre-Simon Laplace), et avec le soutien financier du ministère de la Transition écologique.

Pour simuler le climat de demain, nos scientifiques reproduisent, à l’échelle nationale, grâce à des outils de modélisation très performants, le fonctionnement du système climatique et ses réponses à différents scénarios. Les résultats obtenus éclairent les futurs possibles et doivent permettre de renforcer l’incitation à agir contre le changement climatique et éclairer les décisions d’adaptation nécessaire.

Océan Indien : le projet Brio donne de premiers résultats

Les modèles climatiques globaux comme Arpege qui proposent des simulations du climat futur, ne permettent pas de bien représenter les îles de l’océan Indien, avec leur relief très accidenté. Le projet Brio (Building Resilience in the Indian Ocean), initié en 2018, dont les premiers résultats ont été communiqués en 2020, entend combler ce manque. S’appuyant sur le modèle Aladin-Climat développé par les équipes de Météo-France, il offre aux États membres de la Commission de l’océan Indien (COI), à savoir Madagascar, les Comores, Maurice et les Seychelles et les territoires français de la zone, des simulations climatiques régionales afin de décrire le climat de la région de l’océan Indien jusqu’à l’horizon 2100. Les premiers résultats du projet pointent un réchauffement sur le bassin concerné et une baisse des précipitations avec un fort contraste saisonnier.

Ce projet aide les États de la région à appréhender les implications du changement climatique sur la santé humaine et animale, la sécurité alimentaire, les réserves en eau, l’érosion des sols et les risques naturels.

Cracc, des outils pour s’adapter au changement climatique

En partenariat avec le ministère de la Transition écologique, l’Ademe (Agence de la transition écologique), l’Onerc (Observatoire national des effets du réchauffement climatique) et le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), Météo-France est un membre fondateur du Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique (Cracc). Le Cracc fournit des ressources pour mieux appréhender les enjeux, connaître les solutions d’adaptation au changement climatique et mettre en œuvre des actions concrètes.

Ce centre de ressources vise à faciliter l’accès aux informations pertinentes pour adapter les territoires au changement climatique. Il fournit une aide à la décision à différents types d’utilisateurs : élus locaux, techniciens des collectivités, acteurs économiques, bureaux d’études, particuliers.

Montagne : de nouveaux services climatiques pour les stations de ski

2020 a été marquée par l’émergence de nouveaux services opérationnels qui contribuent à enrichir l’offre de services climatiques de l’établissement. Il s’agit en particulier des services opérationnels à destination des responsables de domaines skiables. Ainsi, le service ClimSnow permet aux stations de sports d’hiver d’évaluer les effets du changement climatique sur leur activité. De son côté, ProSnow est un outil numérique d’aide à la décision pour optimiser la gestion de la neige, notamment de culture, dans les domaines skiables.

Pour faire face aux conséquences du changement climatique, le secteur du tourisme hivernal a besoin de services adaptés pour prendre de bonnes décisions à courts, moyens et longs termes.

JO 2024 : signature d’un partenariat avec la Solideo

Météo-France et la société Solideo, chargée de la livraison des ouvrages et des opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation et au déroulement des Jeux olympiques d’été à Paris en 2024, se sont engagés en 2020 à coopérer dans leurs domaines de compétence respectifs. Météo-France apporte ainsi sa capacité de modélisation à haute résolution du climat urbain adaptée aux besoins des grandes métropoles. Ce partenariat est renforcé par la volonté d’aller plus loin dans la compréhension des micro-climats urbains et dans l’évaluation de stratégies d’adaptation ou de choix d’urbanisme. Il a donc engagé un programme de développement de modèles à micro-échelle (à l’échelle du mètre typiquement), sur des domaines couvrant des zones de plusieurs km2.

L’analyse de la vulnérabilité des villes au risque de canicule est un enjeu majeur de l’adaptation des tissus urbains au changement climatique. Les interactions avec le micro-climat des quartiers alentour et de la ville dans son ensemble seront étudiées. D’importantes avancées pourraient être établies concernant l’influence des matériaux, du revêtement, de la forme et de l’agencement des quartiers, des bâtiments et des espaces verts, de la présence de l’eau…

Méditerranée : HyMEX s’achève après dix ans de travail

Après dix ans de travail, le projet HyMEX (Hydrological cycle in the Mediterranean Experiment) a été clôturé en 2020. Ce programme de recherche avait pour objectif de mieux comprendre le cycle de l’eau sur le Bassin méditerranéen : les évènements intenses, la variabilité interannuelle à décennale du système méditerranéen couplé et son évolution dans le contexte du changement climatique global. Il reposait sur une stratégie d’observation au sein des trois compartiments – atmosphérique, continental et océanique – et sur la prise en compte de facteurs des sciences humaines et sociales.

HyMEX a permis de mettre en lumière la variabilité et les caractéristiques sur une décennie du cycle de l’eau du Bassin méditerranéen, une connaissance indispensable pour mieux préparer l’avenir climatique et améliorer notamment la prévision des risques hydrométéorologiques comme les épisodes méditerranéens et les risques de sécheresse.

Eurec4A : mieux prévoir le changement climatique

La campagne internationale Eurec4A (Elucidating the Role of Clouds-Circulation Coupling in Climate), menée par Météo-France avec l’Institut Max Planck, l’Institut pour la météorologie et l’hydrologie des Caraïbes, s’est intéressée en début d’année aux cumulus d’alizés au large de la Barbade (Caraïbes). Ces petits nuages de beau temps, omniprésents dans les tropiques, intéressent les climatologues. Un léger changement de leurs propriétés pourrait en effet avoir des conséquences importantes sur le climat. Il est donc nécessaire d’observer les propriétés des nuages, mais aussi celles de l’environnement dans lequel les nuages se forment. Pour cela, Météo-France a eu recours à son drone longue endurance au milieu d’autres avions de recherche, dont l’ATR-42 de Safire.

L’objectif de cette campagne est d’étudier les processus de formation des nuages des régions tropicales afin de lever certaines incertitudes concernant les estimations du réchaufement climatique à venir.

Les services climatiques développés par Météo-France sont appelés à jouer un rôle encore plus important

Jean Jouzel

Paléoclimatologue, membre de l’Académie des sciences

En 2020, la crise sanitaire a particulièrement mis en avant l’importance des questions scientifiques, y compris de manière critique. Sentez-vous que les climatologues doivent redouter ce type de phénomène ?

Il y a des différences de situations entre scientifiques. Par rapport aux épidémiologistes en général, les climatologues, notre communauté, celle à laquelle appartient Météo-France, disposent d’un socle commun de connaissance grâce aux rapports du Giec. Et c’est précisément ce qui a beaucoup manqué aux épidémiologistes qui étaient plutôt en ordre dispersé durant la crise du Covid. Je me suis rendu compte de la force que donne l’existence du Giec à notre communauté. Un socle commun de connaissance, avec des domaines d’expertise différents bien sûr et une réflexion commune en amont nous permettent d’afficher beaucoup plus de certitudes. Si nous devions imaginer notre communauté privée des 30 années de ces rapports du Giec, la littérature scientifique pourrait hélas donner l’impression d’un bruit de fond terrible. Ce n’est heureusement pas le cas.

Par ailleurs, la crise sanitaire a permis aussi de comprendre un point essentiel. Prenez la création du conseil scientifique durant la crise de la Covid-19. J’y étais personnellement favorable parce que son rôle a été clairement établi : il doit donner des éléments d’informations aux responsables politiques. Mais il est évident que ce sont bien ces derniers qui doivent décider. Concernant le climat, le schéma est identique. La climatologie a de multiples répercussions qui nous conduisent tout de suite dans l’arène politique, économique, culturelle et sociale. C’est toute la société qui est concernée par ce problème. Mais les décisions ne sont pas de notre ressort. Nous, nous devons fournir des informations.

À ce propos, Météo-France a œuvré en 2020 pour élaborer et diffuser des diagnostics et des projections sur l’évolution du climat à différentes échelles. Est-ce dans ce domaine que l’établissement est attendu pour lutter contre le changement climatique ?

Sans aucun doute. D’ailleurs, j’ai beaucoup apprécié le rapport Drias-2020, d’autant que j’avais coordonné le rapport précédent. C’est quelque chose d’essentiel. Le réchauffement va se poursuivre et nous allons probablement voir une augmentation des températures moyennes de 0,3 °C dans cette décennie à l’échelle mondiale. Au-delà, tous les problèmes d’adaptation sur les 20 ou 30 prochaines années vont dépendre de connaissances régionales très fortes. Les services climatiques développés par Météo-France sont appelés à jouer un rôle encore plus important.

Il y a en effet un appétit d’informations, de formations aussi, pour la météo, le climat ou encore la prévision des évènements extrêmes. Je crois que tout le monde prend conscience en ce moment de ce qui nous attend, notamment parmi les chefs d’entreprises. Météo-France va participer à un grand nombre de développements dans les services climatiques pour tous ceux qui font face à des problèmes d’adaptation. Les décideurs doivent s’appuyer sur des données régionales fiables. Plus largement, la société demandera à notre communauté, et donc à Météo-France, d’être capable de répondre à ses questions.