En 2020, la crise sanitaire a particulièrement mis en avant l’importance des questions scientifiques, y compris de manière critique. Sentez-vous que les climatologues doivent redouter ce type de phénomène ?
Il y a des différences de situations entre scientifiques. Par rapport aux épidémiologistes en général, les climatologues, notre communauté, celle à laquelle appartient Météo-France, disposent d’un socle commun de connaissance grâce aux rapports du Giec. Et c’est précisément ce qui a beaucoup manqué aux épidémiologistes qui étaient plutôt en ordre dispersé durant la crise du Covid. Je me suis rendu compte de la force que donne l’existence du Giec à notre communauté. Un socle commun de connaissance, avec des domaines d’expertise différents bien sûr et une réflexion commune en amont nous permettent d’afficher beaucoup plus de certitudes. Si nous devions imaginer notre communauté privée des 30 années de ces rapports du Giec, la littérature scientifique pourrait hélas donner l’impression d’un bruit de fond terrible. Ce n’est heureusement pas le cas.
Par ailleurs, la crise sanitaire a permis aussi de comprendre un point essentiel. Prenez la création du conseil scientifique durant la crise de la Covid-19. J’y étais personnellement favorable parce que son rôle a été clairement établi : il doit donner des éléments d’informations aux responsables politiques. Mais il est évident que ce sont bien ces derniers qui doivent décider. Concernant le climat, le schéma est identique. La climatologie a de multiples répercussions qui nous conduisent tout de suite dans l’arène politique, économique, culturelle et sociale. C’est toute la société qui est concernée par ce problème. Mais les décisions ne sont pas de notre ressort. Nous, nous devons fournir des informations.
À ce propos, Météo-France a œuvré en 2020 pour élaborer et diffuser des diagnostics et des projections sur l’évolution du climat à différentes échelles. Est-ce dans ce domaine que l’établissement est attendu pour lutter contre le changement climatique ?
Sans aucun doute. D’ailleurs, j’ai beaucoup apprécié le rapport Drias-2020, d’autant que j’avais coordonné le rapport précédent. C’est quelque chose d’essentiel. Le réchauffement va se poursuivre et nous allons probablement voir une augmentation des températures moyennes de 0,3 °C dans cette décennie à l’échelle mondiale. Au-delà, tous les problèmes d’adaptation sur les 20 ou 30 prochaines années vont dépendre de connaissances régionales très fortes. Les services climatiques développés par Météo-France sont appelés à jouer un rôle encore plus important.
Il y a en effet un appétit d’informations, de formations aussi, pour la météo, le climat ou encore la prévision des évènements extrêmes. Je crois que tout le monde prend conscience en ce moment de ce qui nous attend, notamment parmi les chefs d’entreprises. Météo-France va participer à un grand nombre de développements dans les services climatiques pour tous ceux qui font face à des problèmes d’adaptation. Les décideurs doivent s’appuyer sur des données régionales fiables. Plus largement, la société demandera à notre communauté, et donc à Météo-France, d’être capable de répondre à ses questions.